How to survive in hostile environment
Sarg 30/04 à 10:09
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Parut dans le précédent numéro de Twice. Abonne-toi, c'est bon pour ce que tu as!

HOW TO SURVIVE IN HOSTILE ENVIRONMENT

Ndla : à lire en écoutant « Dirty Black Summer » de Danzig



– Hé, mate le truc en noir ! Il a perdu un pari, ou quoi !?

La réplique vient d'un Kevin quelconque, corps huilé, abdos saillants, smartphone à la main, coiffé comme un de ces joueurs de foot qui nous ont pourri une bonne partie du mois de juin, avant que les toxicos à vélo ne prennent le relais. Il est entouré d'un petit groupe de clones, le cul vissé dans le sable au bord de l'océan dans lequel ils ne se baigneront pas, de peur d’abîmer leur œuvre d'art capillaire, gélifiée avec précision.
Le truc en question, tu l'auras sans doute deviné, c'est moi. Et à vrai dire, je ne leur en veux pas. Le fait est que je n'ai rien à foutre là. En noir de la tête aux sandales, j'ai baissé le parasol le plus bas possible et, espérant survire à l'ambiance « pump and up » qui m'entoure, dans ce temple du bronzage, de la frime et de la chemise à imprimé qu'est la plage au mois de juillet, je tente de créer une capsule de survie en me plongeant dans un polar de Chuck Palahniuk ou dans « La Septième Fonction du Langage » de Laurent Binet (excellent, d'ailleurs, je vous le conseille), bref, autant te dire que je ne suis pas dans le ton « coquillages et crustacés ».
Pas de maillot de bain, pas de serviette, pas de lunettes de soleil, je fais tâche (noire, en l'occurrence). Afin d'éloigner de moi les plus gros dangers (gamins hystériques courant comme des malades, jeun's décérébrés avec la baffle bluetooth beuglant la dernière merde caraïbo-dance en date, pétasses huilées comme des sardines aux discussions de salon de coiffure), je sors mon arme favorite en ces circonstances : le cigare. Celui-ci m'assure un périmètre de sécurité et enfonce le clou du « nous n'avons pas les mêmes valeurs ».
Kes'tu fous là, me direz-vous ? Hé ! Que celui qui n'a jamais eu de femme et d'enfants me jette la première bière. La mienne (ma femme, pas la bière) supporte suffisamment mes festivals de corbeaux vegans communistes toute l'année pour que je fasse l'effort de la crème à bronzer une semaine en passant. Mais je divague et digresse (que ceux qui ont dit « vague » et « graisse », ou même l'ont simplement pensé, s’auto-flagèlent de honte immédiatement).
En cet instant, je repense à Razored In Black, duo américain qui officie dans l'Electro-Dark basé... en Floride ! Porter le teint blafard, s'habiller de sky sur scène, s'enfermer dans des caves humides, bref, être goth au royaume de la chemise à fleur, du surf, de la cool attitude et du ukulélé, c'est même plus une passion, c'est carrément un sacerdoce !

Tu le sais, toi qui lis ces lignes, il est bien des situations où notre look, à quelque degrés de « lookage » que tu sois, est clairement un handicap. Et l'été, c'est pire. Passons sur l'évidence de la couleur et des pompes lourdes qui nous font suer comme des bœufs, pour attaquer le cœur du problème : je vieillis, toi aussi, ah ! Ce sable est tel celui du sablier qui… Ouais, non, le coté poète dark à la plage, ça marche pas non plus. Mais donc, en prenant de l'âge, tu as forcément tout un tas de potes qui décident (les cons!) de convoler en justes noces, et en avant pour la robe choucroute, les poèmes débiles et la larmichette de mamie Justine.
Bon, ben, vous, je sais pas, mais moi, sur les photos, j'ai toujours l'air d'aller à un enterrement (certains y voient de ma part un message caché sur ce que je pense du mariage, ils ont pas tout à fait tort). J'ai même eu droit quelques fois au fameux « on sera ravis de te voir, Sarg, m'enfin, si tu pouvais venir avec autre chose que du noir… Y a pas quelqu'un qui peut te prêter une chemise ? C'est pas qu'on aime pas ton t-shirt Joy Division mais... ». Lors d'un récent mariage, il fut proposé à tout les invités de mettre une chanson dans la playlist du bouge-fesse post-repas. On oublia soigneusement de me le demander. Comment ça, Dulce Liquido, c'était pas dans le ton ?

L'été, c'est aussi le moment des réunions de familles, qui sont déjà une torture et une justification la castration chimique en temps normal, mais là c'est pire puisque c'est avec supplément apéro au rosé-pamplemousse .
Bon, dans ces cas-là, dès le matin, je vous conseille une bonne heure de sophrologie, une séance de hurlement primal et l'écoute de « Kill them All » de Metalica, pour vous préparer mentalement à affronter cette épreuve, cette lutte âpre que vous allez mener contre votre instinct de meurtre. Là aussi, nous le savons tous, y aura forcément Tonton Bernard qui vous demandera « alors, toujours pédé/sataniste/suicidaire » ? Le moment où votre cousine vous dira qu'elle aussi (sous-entendu, toi aussi, malheureux !), elle a adoré Twilight. Et cet instant où toute la tablée se tournera vers vous afin de savoir quand est-ce que vous allez vous décider à abandonner, au choix non-exclusif :
- les cheveux longs,
- les fringues morbides,
- les tatouages,
- les piercings,
- la musique,
- la tournée des festivals,
- les envies de suicides (alors que bien sûr, à cet instant, c'est leur mort à eux qui vous préoccupe).
Comprenons-nous, j'ai rien contre les vieux mais disons que la canicule n'a pas que des mauvais côtés.

Dans l'épisode de South Park consacré à la guerre que les Goth et les Emos se livrent, l'enfer est incarné par Scottsdale, petite vile d'Arizona truffée de villages-vacances. Si comme moi, vous êtes musicien et donc pauvre, vous ne pouvez pas vous payer un billet pour Liepzig tous les ans et les vacances estivales sont donc souvent synonyme de camping, et tout ce qui va avec : proximité, partage des douches, bruit des voisins, cris de gosses, bref, tout ce qu'en temps normal vous n'aimez (et encore) partager qu'avec votre compagne. Dans tous ces moments-là se produit chez moi un effet accentuant, une sorte de réaction épidermo-communautaire qui fait que je deviens… disons encore plus goth que d'habitude. Un peu comme le cigare sur la plage, je pousse le trais, j'en fais des tonnes, afin de tenir le quidam à distance.
Et je me console en pensant que l'automne arrive.
Ah ! L'automne !
Ca veut dire les feuilles mortes (so daaaark!), la pluie, la sortie de tout un tas de nouveaux albums, le brouillard, la rentrée littéraire, la reprise des concerts dans ma ville, les soirées pagans de Samain…
Tout ce qui me sera nécessaire pour tenir le coup lorsque arriveront les fêtes de Noël.

Maleus Maleficarum à tous.

Sarg

P.S : l'un des rares bons côtés de l'été, c'est la playlist voiture en mode « gueulons comme des veaux sur une route de campagne, toutes fenêtres ouvertes ». Voici la mienne :

- Fields of the Nephilim : Moon Child
- Sweet Ermengarde : Tender Russian Roulette
- Type O Negative : I don't wanna be
- Metalica : Untill it Sleeps
- Systers of Mercy : Temple of Love
- Sidilarsen : Comme on vibre
- No One Is Innocent : Nomenklatura
- Hoccico : Forgotten Tears
- Noir Desir : Lost
- Diary Of Dreams : Listen and Scream
- Faith and the Muse : Running that hill
- Aeon Sable : Visions
- Heroes del Silencio : Entre Dos Tierras
- Lacuna Coil : Daylight Dancer
- Moonspell : Ruin and Misery
- The Eden House : Neversea
- Nickelback : Burn It to the Ground
- 16Horsepowers : Cloagger
- Placebo : The Bitter Ends
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