Expo : Louise Bourgeois à Beaubourg.
Nabooru 28/04 à 10:12
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Review.

Louise Bourgeois.
"Comme ça", à première vue, ceux qui ont entendu le nom savent vaguement que c'est une Française installée aux USA, une vieille dame un peu barrée, qui travaille depuis les années 40, une "vieille" artiste, quoi. Eventuellement, on a croisé son araignée géante aux Tuileries, mais on a peut-être pas détaillé la chose, et puis en plein air, c'est joli.
On connaît d'elle surtout ses "jeunes" travaux, des totems de bois, déjà un peu étranges, des compositions expérimentant couleur et matière, mais rien de particulièrement dérangeant.
On ne s'attend donc pas forcément à la "descente" à laquelle nous invite cette exposition.


On se glisse, de pièces de bois plus ou moins brutes, et des croquis écharpés, à des créatures fondues, scultpées, des matières mises à l'épreuve, des sujets ambigus et amputés. Le marbre semble fondu, la cire brûlés, les sculptures improbables. Une maison de poupée guillotinée. Un homme doré, hyperréaliste, mais sans tête, pend dans le vide. Une chimère décapitée, une femme-village aux formes molles, des choses organiques, des choses, tout simplement. Puis des poupées trop cousues, du vaudou maison, trop rose et trop chair, trop agrafé, trop sucré et piquant, des aiguilles, des petits corps mignons et massacrés. Une petite poupée maman en train d'enfanter, visiblement dans la douleur...

Puis les pièces. On en veut presque à Christophe Gans, franchement, on sait maintenant où il a pompé Silent Hill. De lourdes portes de bois renferment de petites chambres d'enfants, décorées de coussins brodés et de poches de sang. Les vieux objets peuplent la pièce. Un miroir met en exergue ce petit camion de pompier, et ces intestins de cire. La maison de son enfance, encore et toujours miniaturisée, empalée, abîmée, fondue, tranchée.

Les araignées de métal envahissent des cages de grillages où pendent des bijoux, des montres, des clés. Des vertèbres. Des prothèses. Un labyrinthe de métal, une poussette, une chaise électrique. Des fémurs de boeuf servent de cintres à de vieilles dentelles. Des tapisseries en lambeaux décorent les outils orthopédiques. On est pas très à l'aise... Les araignées étendent leurs pattes plus ou moins géantes, on se glisse d'une pèce à l'autre en rasant les murs. On est confiné, et on est pas fier.

Des mannequins s'enlacent, amoureux bicéphales, des aquarelles délavées, des peintures gribouillés, une écriture à la hache. Des têtes cousues, patchworks aux orifices béants, des poupées-foetus sur des tables d'opération. Une minuscule figurine de cire se tord de douleur sur un lit d'hôpital, un homme pleure la tête entre les mains.

Puis un peu de calme, un certain retour en douceur. Des photos, des tissus, des aquarelles dont la violence semble enfin plus expérimentale que vécue. Comme des questions posées sans torture intérieure.

On ressort de cette exposition avec un air de déjà-vu cauchemardesque, une douce amertume et beaucoup de respect pour une "vieille" artiste qui a mêlé ses peurs et ses fantasmes à toute matière qu'elle a touchée.

A bientôt,
Nab'
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